lumières du soir
Les lumières du soir bercent les voyageurs de l’air. La cabine s’assombrit pour reposer les yeux qui demain s’émerveilleront de forêts de goyave, du soleil reflété sur le sable d’eaux vivifiantes, des vagues de géant où leurs corps tomberont en riant.
Pour l’instant, chacun est absorbé par son écran. Ils se nourrissent d’histoires qu’ils ne vivront pas. Un prépare l’achat d’une maison où il s’installera, une écrit des idées qu’un jour peut-être elle partagera, un joue avec des briques virtuelles qu’il n’empilera pas.
Certains reviennent chez eux, d’autres visitent pour la première fois, et quelques-uns n’ont encore aucune idée de l’atmosphère humide, croulante de chaleur au petit matin, qui les attendra à la sortie de leur boîte volante. Ils ignorent encore l’odeur portuaire de l’océan qui les accueillera, le doux goût de la glace pilée aux noix de macadamia, la sensation fondante d’un loco moco à midi, la musique prenante du coq et des oiseaux en ville aux aurores, la paix de l’esprit en observant le soleil au début, et à la fin de son cycle journalier, la caresse du sable sur les pieds en parlant avec d’autres passants.
Dans leurs sièges de faux cuir, assis endormis en oubliant qu’ils bénéficient des plus grandes merveilles de la technologie de leur siècle – voler !, ils ne connaissent pas encore la force du vent sur les crêtes de l’île, ni la peur combinée à l’adrénaline de l’escalade d’une falaise à main nues – ou parfois même avec des cordes d’un âge inconnu, cette énergie qui prend le corps tout entier à chaque début de randonnée.
Les malchanceux qui auront trop préparé leur voyage se refuseront la surprise de découvrir deux tortues au réveil de leur anniversaire sur la plage, un nouvel amour construit dans la boue, les cascades et les vues naturelles défiant les endroits les plus chers de l’île, la visite d’une maison-arbre où vivent les vrais enfants de Peter Pan, l’observation de leur premier lever de lune sur des montagnes d’argent, un second voyage improvisé avec une amie à peine rencontrée.
Ils repartiront sans cicatrices aux jambes, sans nouvel ami, sans histoire à raconter – simplement, peut-être, quelques photos à montrer.
28 avril 2021